L'Achéron
MUSIQUE ANCIENNESamuel Scheidt
Samuel Scheidt, Ludi Musici
Ricercar, 2015L'Achéron - François Joubert-Caillet
Samuel Scheidt (1587-1654) est l'un des compositeurs les plus célèbres de l'école d'orgue d'Allemagne du Nord ayant fleuri tout au long du XVIIème siècle et ayant touché son paroxysme avec Johann Sebastian Bach. Si Scheidt a vécu toute sa vie à Halle, il a pourtant étudié l'orgue à Amsterdam auprès de Jan Pieterszoon Sweelinck et travaillé régulièrement avec ses collègues Johann Hermann Schein, Heinrich Schütz, Michael Praetorius ou William Brade, à Dresden, Bayreuth ou Magdeburg. Ce premier recueil de Ludi Musici (jeux musicaux), paru en 1621, est le seul qui ait complètement survécu, les trois recueils lui succédant ayant été partiellement perdus. Musique de divertissement, ce recueil est composé de diverses danses et Canzone sur des thèmes de chansons étrangères, mais il est aussi emprunt d'un art du contrepoint, de la variation et du style concertant hérité des écoles vénitienne (Andrea Gabrieli, Luca Marenzio) et anglaise (John Bull, Peter Philips) transmis certainement par son maître Sweelinck.
Ces Ludi Musici sont principalement destinés aux violes de gambe, on peut aisément imaginer l'influence de William Brade à Halle et la qualité des instrumentistes et des instruments pour qui cette musique a été composée. Bien que considéré comme un compositeur de musique d'orgue et de musique sacrée, Scheidt signe ici un recueil d'une musique d'une rare beauté, certainement le plus haut sommet de la musique allemande pour consort de violes, le 'Gemischter Styl' typiquement germanique posant ici un pied en Angleterre, et l'autre en Italie.
Presse
Jean-Luc Macia, Diapason, janvier 2017
La riche guirlande de pavanes, courante et autres canzone tressée dans les Ludi Musici (« Jeux des musiciens », 1621) a déjà inspiré à Hespèrion XX deux disques splendides. Scheidt combine quatre à cinq voix sur des rythmes de danse, et laisse l'instrumentation libre hormis quelques pièces convoquant des cornets. La danse est-elle vraiment le sujet ? Elle dominait le premier disque de Savall, tandis que le second travaillait davantge la trame polyphonique, et faisait de Scheidt un lointain cousin des maîtres du consort anglais (consort qu'il admirait, d'ailleurs). François Joubert-Caillet va encore plus loin dans le sens de l'opulence coloriste et d'un lyrisme polyphonique. Ses violistes maîtrisent si finement les ressorts dansés qu'ils savent les faire oublier sous la générosité du geste collectif et joueur. L'Achéron compense son approche moins chorégraphique par la beauté des sonorités ambrées et profondes de superbes violes, par des moments d'enthousiasme dynamique (l'allégresse bondissante des plages 10 et 11), enfin et surtout par l'exubérance ciselée d'un riche continuo (harpe, théorbe, luth, cistre, orgue, virginal) jamais instrusif mais qui dispense toujours un nuancier de base adapté à chaque page.
Seize pièces, groupées en quatre Suites : seize couleurs, seize tableaux, brossés d'un pinceau plus ou moins fin, sous une lumière plus douce ou crue -et toujours changeante dans la Paduan dolorosa, où L'Achéron n'a rien à envier en volupté sombre, aux archets d'Hespérion. Et quelle douceur quand la harpe double les entrées de la polyphonie à la façon de Vermeer déposant quelques gouttes de lumière. Dans la Cazon super O Nachbar Roland, le collectif français met en relief l'incroyable diversité de l'écriture, jusqu'à un trémulant tutti à l'italienne. De fait, l'influence italienne est aussi évidente dans l'écriture de Scheidt.
Musique de chambre ? De danse ? De scène ? Tout à la fois, nous réponde d'une seule voix le jeune ensemble dans son deuxième album (après Holborne, pour le même éditeur). D'ailleurs, avions-nous déjà entendu un consort de ce niveau dans l'Héxagone ?
Audio
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