Jean-Charles Hoffelé, Diapason, janvier 2017
Las! l’album des Freiburg relégué sur une étagère du grenier, j’avais abandonné Johann Bernhard. Jusqu’à ce que la poste livre un disque de François Joubert-Caillet, dont la viole m’avait charmé chez le Hollandais Johannes Schenck, un peu moins oublié. Allait-il ennoblir les partitions les plus françaises qu’un Bach a jamais écrites, en abandonnant son instrument pour conduire une belle bande de treize musiciens nommée L’Achéron? Des Suites qui dansent enfin me saisissent illico. L’Ouverture de celle en sol, qu’on croirait empruntée à un opéra de Marais par la majesté de sa chaconne, me souffle. Les fifres épicés de sa Bourrée entrainent dans leur sillage une fête champêtre, suggérant une musette. Ceux du Rigaudon de la suite en mi, autrement déluré, ont un petit air carnaval de la folie. Partout le génie français éclate dans des vêtures somptueuses, le jaune et l’incarnat brillent à travers violons, hautbois et flageolets. Mais lorsque la grande mélodie des Plaisirs de la Suite en mi résonne, chaconne qui s’ignore, le Gilles de Watteau vous regarde au fond des yeux, vous interroge, tendre, perdu, désarmé. La nuit peut venir.