Illustrant la rencontre entre l’Orient et l’Occident et les valeurs de transmission et de partage chères à l’ensemble, Shiruku est un voyage aux confins des musiques traditionnelles qui accompagnaient autrefois la mythique route de la soie.
Tout occupés à penser qu’ils sont le centre du monde, les Européens s’imaginent mal que, jusqu’au XVIIe siècle, leur économie battait au rythme d’un poumon qui était la Chine, et dont les richesses et les inventions, de la soie à la boussole, lui parvenaient par un réseau capillaire de routes et de passages regroupé sous le nom, évocateur d’exotisme et de parfums d’Orient, de « route de la soie ». De Chang’an à Antioche de Syrie, Constantinople, Venise, l’Espagne, ces routes convièrent des marchandises et des idées, des explorateurs et des missionnaires, des techniques et des spiritualités, dans un sens comme dans l’autre, créant des conditions uniques d’échanges, de syncrétisme et d’enrichissements.
Dans son invitation au voyage musical, « Shiruku » s’adosse à des lieux clefs de cette millénaire chaîne de rencontres : l’Espagne des trois religions du roi poète Alphonse X le Sage au XIIIe siècle ; le Japon, terre de mission du jésuite navarrais saint François-Xavier au XVIe siècle ; Constantinople sur le Bosphore, capitale éternelle des héritages byzantins, perses et turcs et de leur transmission à un Occident fasciné.
Distribution (15 musiciens)
Emmanuel Bardon, direction musicale
Barbara Kusa, Emmanuel Bardon, chant
Valérie Dulac, Emmanuelle Guigues, Nolwenn Le Guern, vièles
Aliocha Regnard, nyckelharpa
Philippe Roche, oud
Spyros Halaris, kanun & luth
Gwénaël Bihan, flûtes à bec
Léa Maquart, flûtes kaval & Ney
Henri-Charles Caget, Ismaïl Mesbahi, percussions
Présence exceptionnelle de :
Akihito Obama, shakuhachi
Yutaka Oyama, tsugaru-shamisen
Tsugumi Yamamoto, koto
Marc Dumont, premiereloge-opera.com, novembre 2023
Échanges, syncrétisme et enrichissements. Ici, la liberté de l’imaginaire règne en maître. Les musiques japonaises traditionnelles – revisitées par les percussions, quasi improvisées – s’enlacent avec les chansons italiennes venues de Venise ou de Florence par la voix de Barbara Kusa (magnifique Porte Llorax, romance sépharade que l’on voudrait voir s’éterniser sur ses rythmes lascifs d’instruments entremêlés !) ou d’Emmanuel Bardon. Tradition bulgare ou grecque ici, berbère là, mais aussi romances sépharades, ce bouquet pourrait faire craindre une absence d’unité, voire des incohérences. Il n’en est rien. Car ces rencontres entre l’Orient plus ou moins proche et l’Occident, ce voyage aux confins des musiques traditionnelles, tout en jouant sur les contrastes des cultures, racontent une histoire commune autour de l’emblématique route de la soie. (…)
Avec Al Basma, Canticum Novum nous redisait le partage, le mélange, la tolérance. Shiruku nous invite à la rêverie et au voyage intérieur sur une route musicale rêveuse, joyeuse, soyeuse.
Frederick Casadesus, blogs.mediapart.fr, 23 octobre 2023
Merveilleux voyage que Shiruku, disque dont le titre est tout un programme, puisqu'il signifie Soie. L'ensemble Canticum Novum, dirigé par Emmanuel Bardon, retrace le chemin du commerce de jadis, explore les partitions du Moyen-âge entre Tolède et Toyama, se faufile entre Venise et Constantinople, et nous offre une découverte à notes ouvertes. Aimerez-vous ces dos d'ânes, ces coq-à l'âme? A n'en pas doutez. Oui, vous allez courir, courir chez votre disquaire (...)
classykeo.com, 20 octobre 2023
L’ensemble Canticum Novum repousse encore un peu plus les frontières de la musique ancienne (...) Avec Shiruku (Soie, en japonais), cette équipe de découvreurs de sons, d’antiquaires de l’instrument, ces Champollion de la partition nous embarquent dans un voyage aux confins du continent eurasiatique, dans une époque lointaine où l’Orient était son centre, et où les caravanes charriaient les merveilles d’un monde en mouvement perpétuel autour d’un axe : la route de la soie, du Moyen-Âge jusqu’au XVIIIème siècle
David Sanson, Hémisphère son, juillet 22
Treize musiciens, deux chanteurs (Emmanuel Bardon et la soprano argentine Bárbara Kusa), tous magnifiquement engagés (mentions spéciales à la joueuse de vielle et de luth Nolwenn Le Guern et au percussionniste Henri-Charles Caget, mais tous mériteraient d’être cités), nous ont ainsi offert un mémorable voyage, partant de Tolède pour gagner le Pays du Soleil levant, en s’attardant sur tout le pourtour de la Méditerranée, de Venise à Constantinople en passant par Sarajevo, Epire, la Bulgarie ou le Maroc. Interrogé à l’issue du concert sur l’absence des musiques de l’Asie centrale, Emmanuel Bardon insistait sur le fait que toutes les pièces du programme – qu’il s’agisse de partitions « savantes » ou de collectages – avaient été proposées par les musiciens eux-mêmes. C’est là que commence l’« aventure humaine » évoquée plus haut. Toutes ont ensuite été arrangées par le groupe. (…)
Avec quel naturel ces musiques se fondent dans cet instrumentarium cosmopolite ! et avec quelle évidence une mélodie folklorique grecque succède à un air traditionnel berbère ! Les musiciens de Canticum Novum nous font passer, parfois au sein d’une même pièce, de l’Italie au Japon, avec un enthousiasme contagieux – le clou du programme étant sans doute cette poignante mélodie séfarade de Constantinople, Durme, hermoza donzella, qui se déploie sur un lent motif de koto en ostinato, sur lequel les trois flûtes – la flûte à bec, le shakuhachi japonais, et la flûte kaval des Balkans – tissent peu à peu un délicat entrelacs de textures…